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Bruno et Stéphane, un long passé de victime

Bruno: C'était surtout des insultes. J'étais pas très bon en 1ère. Ils ont commencé à m'insulter. C'est toute une classe qui s'est mise contre moi. Je ne sais même pas ce qu'on me reprochait. Cela fait 4 ans que je suis au lycée, j'ai tout le temps été la cible. La première seconde que j'ai faite ici, j'étais le plus petit de la classe.  Les autres se moquaient de moi  aujourd'hui, ça va un peu mieux parce que  je me suis habitué, mais rien n'a changé.

 

Stéphane : Pour moi ça a commencé à partir de la 6ème jusqu'à l'année dernière où j'ai redoublé ma 1ère.  Ça m'a toujours suivi. C'était des insultes et puis ils me tapaient souvent. J'étais très petit et j'avais certains problèmes physiques qui m'empêchaient de me défendre. Il y avait des périodes où c'était plus calme et d'autres ou c'était vraiment affreux. Ils me tapaient dessus, ils me disaient carrément d'aller me  suicider.  2 ou 3 élèves entraînaient les autres qui suivaient pour faire pareil. En classe ça ne se passait pas trop mal mais c'était surtout dans la cour.

Bruno: Moi c'était dans la cour et en classe, surtout pendant les TP. Mais pour moi aussi ça a commencé avant le lycée, au collège et même tout petit au CP. En plus en fin de 3ème, il y a une prof qui s'est mise contre moi, elle m'avait carrément traité de paumé en plein cours pourtant j'avais d'assez bonnes notes avec elle. Au collège, on ne m'a jamais défendu.

Stéphane: Ça dépend de leur humeur, s’ils sont calmes, c'est plutôt des insultes, s'ils sont bien énervés, ils me frappaient, sans raison. Des fois c'est les deux, on se fait insulter en même temps que frapper. Pour eux, embêter quelqu'un, c'est normal. Donc si on va se plaindre, ils nous disent qu'est ce qu'il te prend? T'es pas malheureux. Pour eux, c'est normal. Ils ne savent pas ce que ça fait de se faire maltraiter. Quand on va se plaindre, on dirait que tout à coup c'est eux qui deviennent les victimes  et ils se vengent.

Bruno: Le problème c'est que quand on se fait agresser par des camarades de classe, la première fois on va le dire aux CPE mais on ne recommence pas parce qu'on voit vite ce que ça donne. C'est toute la classe qui se met contre vous, comme une meute.

Stéphane: C'est vrai, quand on réagit, c'est pire. Ils se calment pendant 2 ou 3 jours, histoire de dire qu'ils se sont calmés mais après, c'est bien pire.  On se dit que c'est pas la peine d'aller revoir le CPE. Ici, au lycée, les premiers mois ça allait mais au bout d'un moment, ils ont commencé à s'en prendre à moi. A l'internat, je ne dormais plus les nuits, c'était tout le temps le lit renversé ou de l'eau dans la figure, je dormais plus que d'un œil. A l'internat tout est possible, plus qu'en classe, il est pas facile de mettre une calotte à quelqu'un en face du prof, tandis qu'à l'internat, même si le pion n'est jamais très loin, on peut toujours donner une claque à un gars sans que personne ne voit rien, renverser son lit ou lui flaquer de la mousse à raser pendant que le surveillant dort. A l'internat, c'est plus physique qu'en classe. En classe, je ne tenais pas le coup parce que  le sommeil me manquait et en plus ils étaient tout le temps en train de me frapper ou de m'insulter. Quand j'ai redoublé ma 1ère, ça s'est arrêté. J'ai redoublé pour éviter de rester avec eux. Cette année ça va mieux.

Bruno: C'est pas facile d'aller en parler à quelqu'un Si on dit quelque chose, on se fait mettre l'étiquette balance. Moi, j'ai perdu des amis à cause de ça. Déjà qu'on a pas beaucoup d'amis, si en plus on en perd.

Stéphane: Il faut dire que c'est une chose qu'on n'aime pas trop montrer, c'est plutôt une  honte de se faire insulter et justement ils choisissent les personnes qui sont plutôt timides. On  a un gros fardeau avec dessus marqué: HONTE. Même à la famille, on n'en parle pas. Si on en parle au CPE, il va immédiatement passer à l'action, c'est-à-dire mettre des heures de colle et ce sera pire, il faut trouver autre chose. Il y a des moments, on a plus envie de grand-chose, ou on a envie de fuguer ou carrément de se suicider, c'est tellement dur mentalement, on n'en peut plus.

Bruno: Un jour, je suis allé voir l'infirmière,  elle m'a dit qu'est-ce que tu as? T'es malade? J'ai pas su quoi dire, j'étais pas malade

Stéphane: Nous c'est déjà plus facile à l'internat d'aller voir l'infirmière parce qu'on y va pas pendant le temps des cours, quand on y va la journée, il y a des personnes qui attendent derrière vous. Nous les internes on peut voir l'infirmière quand il y a beaucoup moins de monde, on peut plus facilement discuter.