Stéphane : Pour moi ça a
commencé à partir de la 6ème jusqu'à l'année
dernière où j'ai redoublé ma 1ère. Ça m'a
toujours suivi. C'était des insultes et puis ils
me tapaient souvent. J'étais très petit et j'avais
certains problèmes physiques qui m'empêchaient de
me défendre. Il y avait des périodes où c'était
plus calme et d'autres ou c'était vraiment
affreux. Ils me tapaient dessus, ils me disaient
carrément d'aller me suicider. 2 ou 3 élèves
entraînaient les autres qui suivaient pour faire
pareil. En classe ça ne se passait pas trop mal
mais c'était surtout dans la cour.
Bruno: Moi c'était
dans la cour et en classe, surtout pendant les TP.
Mais pour moi aussi ça a commencé avant le lycée,
au collège et même tout petit au CP. En plus en
fin de 3ème, il y a une prof qui s'est mise contre
moi, elle m'avait carrément traité de paumé en
plein cours pourtant j'avais d'assez bonnes notes
avec elle. Au collège, on ne m'a jamais défendu.
Stéphane: Ça dépend
de leur humeur, s’ils sont calmes, c'est plutôt
des insultes, s'ils sont bien énervés, ils me
frappaient, sans raison. Des fois c'est les deux,
on se fait insulter en même temps que frapper.
Pour eux, embêter quelqu'un, c'est normal. Donc si
on va se plaindre, ils nous disent qu'est ce qu'il
te prend? T'es pas malheureux. Pour eux, c'est
normal. Ils ne savent pas ce que ça fait de se
faire maltraiter. Quand on va se plaindre, on
dirait que tout à coup c'est eux qui deviennent
les victimes et ils se vengent.
Bruno: Le problème
c'est que quand on se fait agresser par des
camarades de classe, la première fois on va le
dire aux CPE mais on ne recommence pas parce qu'on
voit vite ce que ça donne. C'est toute la classe
qui se met contre vous, comme une meute.
Stéphane: C'est vrai,
quand on réagit, c'est pire. Ils se calment
pendant 2 ou 3 jours, histoire de dire qu'ils se
sont calmés mais après, c'est bien pire. On se
dit que c'est pas la peine d'aller revoir le CPE.
Ici, au lycée, les premiers mois ça allait mais au
bout d'un moment, ils ont commencé à s'en prendre
à moi. A l'internat, je ne dormais plus les nuits,
c'était tout le temps le lit renversé ou de l'eau
dans la figure, je dormais plus que d'un œil. A
l'internat tout est possible, plus qu'en classe,
il est pas facile de mettre une calotte à
quelqu'un en face du prof, tandis qu'à l'internat,
même si le pion n'est jamais très loin, on peut
toujours donner une claque à un gars sans que
personne ne voit rien, renverser son lit ou lui
flaquer de la mousse à raser pendant que le
surveillant dort. A l'internat, c'est plus
physique qu'en classe. En classe, je ne tenais pas
le coup parce que le sommeil me manquait et en
plus ils étaient tout le temps en train de me
frapper ou de m'insulter. Quand j'ai redoublé ma
1ère, ça s'est arrêté. J'ai redoublé pour éviter
de rester avec eux. Cette année ça va mieux.
Bruno: C'est pas
facile d'aller en parler à quelqu'un Si on dit
quelque chose, on se fait mettre l'étiquette
balance. Moi, j'ai perdu des amis à cause de ça.
Déjà qu'on a pas beaucoup d'amis, si en plus on en
perd.
Stéphane: Il faut
dire que c'est une chose qu'on n'aime pas trop
montrer, c'est plutôt une honte de se faire
insulter et justement ils choisissent les
personnes qui sont plutôt timides. On a un gros
fardeau avec dessus marqué: HONTE. Même à la
famille, on n'en parle pas. Si on en parle au CPE,
il va immédiatement passer à l'action,
c'est-à-dire mettre des heures de colle et ce sera
pire, il faut trouver autre chose. Il y a des
moments, on a plus envie de grand-chose, ou on a
envie de fuguer ou carrément de se suicider, c'est
tellement dur mentalement, on n'en peut plus.
Bruno: Un jour, je
suis allé voir l'infirmière, elle m'a dit
qu'est-ce que tu as? T'es malade? J'ai pas su quoi
dire, j'étais pas malade
Stéphane: Nous c'est
déjà plus facile à l'internat d'aller voir
l'infirmière parce qu'on y va pas pendant le temps
des cours, quand on y va la journée, il y a des
personnes qui attendent derrière vous. Nous les
internes on peut voir l'infirmière quand il y a
beaucoup moins de monde, on peut plus facilement
discuter.