Jacky : La première
fois, on peut en rigoler un peu ; on se dit que
ce n’est qu’une petite vanne. Mais c’est vrai
qu’au bout d’un moment, ça devient lourd même si
ce n’est pas à soi que ça arrive. Donc on se met
un peu à l’écart et on se dit : c’est n’importe
quoi ce qu’ils font, c’est débile.
Alexandre : Au début, un petit surnom, ça
ne fait pas souffrir, souffrir. C’est de la
taquinerie, mais après, quand ça devient
répétitif, le harceleur voit très bien quand il
fait mal ou pas. Il en est conscient et il prend
une espèce de malin plaisir à faire souffrir la
victime.
Jacky : Il y en a qui suivent celui qui
joue un peu le rôle du chef, celui qui va tout
le temps provoquer la personne. Quand le chef va
envoyer une vanne, les autres vont en rajouter
pour enfoncer encore plus la victime. Il y en a
d’autres qui rigolent. Et puis, il y a ceux qui
se tiennent à l’écart, en se disant : c’est pas
possible d’être aussi bête. J’ai essayé de
parler à l’un des harceleurs pour lui dire qu’il
fallait qu’il arrête parce qu’on voyait bien que
la personne allait craquer mais c’est comme si
j’avais parlé dans le vent. La victime ne sait
pas vraiment comment faire. Elle ne sait pas si
elle peut parler à quelqu’un et même, des fois,
elle a peur qu’il y ait des représailles. Si
elle va parler à quelqu’un, les autres
l’insulteront encore plus, ils la traiteront de
balance. Ce sera pire. Le groupe essayera de se
venger. Et là, pour la victime, c’est fini.
Alexandre : La victime se renferme sur
elle-même. Généralement, c’est quelqu’un de
réservé, qui a peu d’amis, quelqu’un de gentil
qui ne va pas réagir sur le coup. Il va
encaisser. Quelqu’un qui a un fort tempérament,
dès le début, il dit : « c’est bon, tu te calmes
». Lui, non, il ne va rien dire parce que c’est
quelqu’un de non-violent. Il est bonne poire.
Jacky : Ce n’est pas vraiment que les
profs ne veulent pas intervenir, c’est que bien
souvent les harceleurs sont assez malins. Ils
vont attendre que le prof tourne la tête ou
qu’il écrive au tableau pour envoyer la vanne.
C’est vrai que si le professeur tient sa classe,
l’élève se sent en sécurité, il n’a pas à
craindre de prendre des boules de papier par la
tête, des bouts de stylo ou des insultes. Mais
dans le cas inverse, j’ai vu des trousses
carrément voler dans la classe et qui arrivaient
en pleine tête de certains élèves, des bouts de
règles, de stylo, des insultes, à longueur de
journées, du moins dans ces cours là.
Alexandre : Lorsqu’on on voit un
harceleur agresser sa victime, donner un surnom,
des petites calottes, tirer les cheveux, si la
victime se replie sur elle-même et ne dit rien,
si elle ne dit pas « arrêtez », si elle ne lance
pas un appel aux autres, on peut pas l’aider. On
ne va pas se mêler de quelque chose qui, d’un
côté, ne nous regarde pas.
Jacky : Le plus grave que j’ai vu,
c’était pendant ma première année de seconde. A
l’internat, il y avait deux élèves que personne
n’aimait vraiment, leurs surnoms c’était le
troll et le moche. Le soir, ils se ramassaient
des coups comme à la boxe thaï. Le principe,
c’est de taper toujours au même endroit pour
faire un gros bleu. C’était ça tous les soirs.
Je ne sais pas comment ils faisaient pour lever
leurs bras. Ça a duré jusqu’à la fin de l’année.
À l’internat, à l’étage, les surveillants ne
passent pas vraiment. Ils restent en bas et ne
montent à l’étage que lorsqu’ils entendent du
bruit.